Que faut-il retenir de la législation sur l’agrivoltaïsme en France ?


Publié le : 08/05/2025

 

 

Le décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 relatif au développement de l'agrivoltaïsme et aux conditions d'implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, naturels ou forestiers encadre le développement de centrales photovoltaïques couplé à une production agricole. Ce décret complète le décret n° 2023-1408 du 29/12/23, la loi APER 11/03/23 et s’accompagne de l’arrêté du 05/07/24 et de l’instruction DGPE/SDPE/2025-93 du 18-02-2025.

Contexte

Face aux défis du changement climatique et à la nécessité de diversifier les sources d'énergie renouvelable, l'agrivoltaïsme s’impose comme une solution innovante permettant  de concilier agriculture et production d'énergie solaire. Cependant, l'essor de cette pratique a  soulevé des questions sur la préservation des terres agricoles et la compatibilité entre les  activités agricoles et photovoltaïques. Ce décret fixe un cadre réglementaire structurant pour la filière. 

Champ d’application

Une installation agrivoltaïque est une installation de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole. Elle doit contribuer durablement à l'installation, au maintien ou au développement d'une production agricole. 

Le législateur tranche ainsi le débat sémantique sur l’utilisation du terme « agrivoltaïsme ». Pour entrer dans le champ d’application du décret, la centrale photovoltaïque doit être installée sur un terrain cultivé ou pastoral, des serres de culture ou bâtiments d’élevage. Inversement, une centrale photovoltaïque installée sur d’autres bâtiments agricoles, des terres incultes ou inexploitées est exclue du champ d’application du décret. 

Objectifs

L’agrivoltaïsme constitue un outil de la filière agricole pour répondre aux défis de sécurité et souveraineté alimentaire ainsi qu’aux conséquences du changement climatique. Une installation agrivoltaïque doit apporter, directement à la parcelle, au moins l’un des services suivants : 

Amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques :

  • Qualité du sol, rendements agricoles. 
  • Remise en culture des terres incultes/inexploitées.  
  • ...

Améliorer l’adaptation au changement climatique :

  • Mieux résister aux baisses tendancielles du rendement et de la qualité de la production 

 

 

Protéger contre au moins 1 aléa climatique :

  • Gel
  • Grêle 
  • Pluies intenses
  • Vents violents ou sècheresse

Améliorer le bien-être animal :

  • Conditions de vie
  • Confort thermique
  • ...

Dispositions spécifiques

L’agriculture doit rester l’activité principale de la parcelle.

  • Le taux de couverture de la parcelle est limité à 40% pour les installations >10MWc. La superficie rendue inexploitable par l’installation de la centrale est limitée à 10% de la surface de la parcelle.
  • La hauteur et l’espacement des installations PV doivent être compatibles avec la circulation des animaux et engins agricoles.

La production agricole doit rester « significative »

  • La perte de rendement est limitée 10% par rapport à une zone témoin ou un référentiel local.

Garantir un revenu durable provenant des pratiques agricoles.

  • Le revenu agricole moyen doit demeurer stable ou croître après l’installation.

Réversibilité des installations, maintien des droits agricoles & pastoraux.

  • La durée de vie de l’installation se limite à 40 ans, cette durée peut être prorogée de 10ans selon certaines conditions.
  • Le démantèlement et la remise en état à l’identique, à l’issu de cette durée, est obligatoire.  
  • Des immobilisations financières sont exigées avant l’installation, pour garantir le retour des terrains à leur état original ou à une utilisation agricole. 

Processus règlementaire, contrôles et sanctions

Un projet agrivoltaïque suit un processus réglementaire rigoureux. Dès la phase d’étude, un bureau d’études environnement analyse les impacts sur la biodiversité, les sols et les paysages, tandis qu’une expertise agricole évalue les bénéfices pour l’exploitation.

La CDPENAF (Commission de Préservation des Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers)  est consultée pour vérifier la compatibilité avec la préservation des terres agricoles. Son avis, bien que consultatif, influence fortement l’instruction du dossier. D’autres organismes, comme les Chambres d’Agriculture et la DREAL (Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement), interviennent pour garantir le respect des exigences agronomiques et environnementales.

L’autorisation de la Préfecture est l’aboutissement du processus, validant le projet après examen des contributions de chaque acteur. 

C’est sur cette base que les installations agrivoltaïques font l'objet d’un suivi régulier afin de s’assurer du respect des engagements pris en matière de production agricole et de services rendus à l’exploitation.  L’exploitant de la centrale agrivoltaïque doit fournir des rapports périodiques attestant du maintien des critères agrivoltaïques définis par la réglementation.  Un contrôle est réalisé au plus tard 3 ans après la mise en service de l’installation, puis renouvelé tous les 5 ans.  En cas de manquement, l’autorité administrative peut mettre en demeure l’exploitant de se conformer aux exigences fixées. Si les non-conformités persistent, des sanctions peuvent être appliquées, allant jusqu’au retrait du statut d’installation agrivoltaïque, entraînant la suppression des avantages réglementaires et tarifaires associés. 

Un autre paradigme pour les métiers du photovoltaïque

L’essor de l’agrivoltaïsme, encadré par ce décret, impose une transformation profonde des pratiques et des métiers du photovoltaïque. Habituellement centré sur des considérations techniques et énergétiques, le secteur doit ici s’adapter à une approche où l’expertise agricole est première. Ce n’est plus seulement une question d’optimisation de la production électrique, mais avant tout d’accompagnement et de valorisation des pratiques agricoles.

Conduire un projet agrivoltaïque ne consiste pas seulement à implanter des panneaux sur une parcelle, mais à intégrer un système énergétique au sein d’un écosystème agricole, en tenant compte des besoins des cultures, des cycles de production et des objectifs de durabilité. Cela implique une collaboration étroite avec les agriculteurs, les ingénieurs agronomes, des innovations techniques et des compétences hybrides à l’interface de l’agriculture et de l’énergie.

En plaçant l’agronomie au cœur des projets, l’agrivoltaïsme redéfinit le rôle des experts du solaire : ils deviennent des partenaires techniques au service d’une activité agricole durable et résiliente. Pour les acteurs du photovoltaïque, cette évolution est une opportunité d’élargir le champ d’action, d’innover et de contribuer activement à la transition écologique en construisant des modèles énergétiques qui se font en synergie avec l’agriculture. 

Sources :

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